RAPPORT

Side School

Le 2 avr. 2025, avec

Mathilde Brousse

IA et Data : Rapport 2025

Comment rester en sécurité : pas d'entrainement sur ma donnée, pas de leaks, pas de hacks

Co-écrit par Side School et Mathilde Brousse

Introduction

L’usage des IA génératives (chatbots, assistants virtuels, outils de création de texte ou d’images) explose dans le monde professionnel. Rédaction de contenus marketing, assistance à la programmation, synthèse de réunions, support client – ces outils offrent un gain de temps et de productivité considérable.

Mais que deviennent vos données lorsque vous posez une question à ChatGPT ou à un autre modèle ? Comment s’assurer de ne pas divulguer d’informations sensibles par inadvertance ?

Ce guide, co-écrit par Side School et Mathilde Brousse, vise à expliquer de manière accessible et concrète comment utiliser l’IA générative de façon sécurisée. Vous y trouverez :

  • Des réponses claires aux questions que tout professionnel se pose (« Que se passe-t-il quand j’envoie une requête ? Qui peut voir mes données ? Où sont-elles stockées ? »).

  • Un panorama des principaux outils d’IA (ChatGPT, Claude, Gemini, Mistral…) et de leurs différences en matière de confidentialité.

  • Un point sur les lois et réglementations à connaître (RGPD, Cloud Act, AI Act) et leur impact sur vos usages.

  • Surtout, des bonnes pratiques concrètes : checklists de conformité, exemples de prompts anonymisés, comparatif des outils, listes de risques à éviter, etc., afin de protéger vos données au quotidien.

Le guide se veut sérieux mais accessible – inutile d’être informaticien ou juriste pour le comprendre. L’objectif est que tout professionnel (PME, indépendant, fonctions support, RH, marketing, etc.) puisse profiter de l’innovation de l’IA sans compromis sur la sécurité des données.

Disclaimer : Ce rapport est publié en avril 2025. Les technologies d'intelligence artificielle, les pratiques commerciales, ainsi que les réglementations juridiques évoluent rapidement. Les informations présentées ici peuvent donc être sujettes à des modifications. Bien que ce guide ait été rédigé avec rigueur et précision, il ne constitue pas un avis juridique officiel. Il est conseillé aux lecteurs d’agir avec un esprit critique.


1. Que se passe-t-il quand j’envoie une requête à une IA ?

Résumé : Vos données (prompts, fichiers fournis, etc.) partent vers les serveurs du fournisseur d’IA, y sont traitées pour générer une réponse, et souvent conservées pendant un certain temps. Elles peuvent être relues par des systèmes automatisés voire par des humains à des fins d’amélioration ou de modération. Il est donc crucial de comprendre le chemin de ces informations.


Du poste de travail aux serveurs de l’IA : le parcours de vos données

Lorsque vous utilisez un chatbot d’IA en ligne, votre requête est transmise via Internet au serveur du service :

  • La connexion est généralement chiffrée (HTTPS) pour la protéger durant le transit de votre ordinateur à un serveur.

  • Votre texte est reçu par le modèle d’IA qui génère une réponse. Ce processus se passe sur les serveurs du fournisseur (par ex. les serveurs d’OpenAI pour ChatGPT).

  • Une copie de votre prompt et de la réponse peut être stockée sur ces serveurs. En effet, la plupart des services conservent les conversations pendant un certain délai, notamment pour améliorer le système et prévenir les abus.

Concrètement, poser une question à ChatGPT revient à envoyer vos données aux États-Unis (où OpenAI est basé) ou à d’autres emplacements du cloud du fournisseur. Idem pour Gemini ou Claude : les centres de données sont quasiment toujours aux USA. À moins d’utiliser une solution open-source locale, vos prompts quittent donc votre ordinateur pour être traités à distance.

Qui peut accéder à mes données ?

Une fois stockées chez le fournisseur, plusieurs acteurs peuvent théoriquement accéder à vos données :

  • Le fournisseur lui-même : Les équipes techniques peuvent avoir accès aux conversations, surtout en cas de débogage ou si une intervention humaine est requise (ex : pour vérifier le respect des politiques d’utilisation ou entraîner le modèle sur des exemples). Par exemple, OpenAI indique que des « réviseurs » peuvent lire des extraits de conversations en cas de signalement d’abus. Anthropic (Claude) mentionne aussi que les données peuvent être examinées par du personnel autorisé pour des raisons de sûreté. (Sources: Anthropic, OpenAI).

  • Des systèmes automatisés : Même sans intervention humaine directe, vos données peuvent être utilisées pour affiner l’IA. Cela signifie qu’elles alimentent des algorithmes de ré-apprentissage du modèle (sauf si on a explicitement refusé, voir plus loin). En clair, votre prompt pourrait servir de cas d’entraînement pour améliorer les réponses futures. (Sources: Anthropic, OpenAI).

  • D’éventuels sous-traitants : Les grands fournisseurs font appel à des services cloud (hébergement, stockage) et parfois à de la modération réalisée par des entreprises tierces. Le contenu peut être partagé avec ces prestataires, dans la limite du nécessaire et sous obligations contractuelles strictes. (Source: help.openai.com)

  • Les autorités légales : Sur réquisition judiciaire, le fournisseur peut être forcé de communiquer des données stockées. C’est notamment le cas aux États-Unis avec le Cloud Act, qui permet aux autorités d’accéder aux données stockées chez les entreprises américaines, même si ces données résident hors des USA. Nous reviendrons sur ce point et ses implications pour les entreprises européennes (spoiler : le Cloud Act heurte le RGPD).

Heureusement, vos données ne sont pas accessibles au tout-venant. Un utilisateur tiers n’a pas la possibilité de lire vos requêtes en se connectant simplement au service. Cependant, il existe un risque indirect : si le modèle a été entraîné sur des données non suffisamment nettoyées, il pourrait régurgiter des informations sensibles fournies par d’autres utilisateurs. C’est pourquoi il est arrivé que des extraits de code propriétaire ou de conversations confidentielles, introduits par certains, ressortent plus tard dans des réponses de l’IA.

En résumé, quand vous utilisez une IA en ligne : vos données sortent de votre organisation. Elles sont stockées, souvent pour des durées longues et indéterminées jusqu’à suppression du compte, sur les serveurs du fournisseur (souvent 30 jours minimum) et peuvent être relues par du personnel autorisé ou intégrées (peut être sous forme anonymisée) dans le corpus d’entraînement du modèle. Il faut donc considérer qu’une information partagée avec un chatbot n’est plus totalement privée – d’où l’importance de contrôler ce qu’on lui envoie.

Où sont stockées mes données et combien de temps ?

La localisation précise dépend du fournisseur. Par défaut, il est prudent de supposer que les données vont hors d’Europe, à moins d’utiliser un service qui garantit un hébergement local.

La durée de conservation des conversations identifiables est de 30 jours. En réalité, une fois ce délai passé, les fournisseurs conservent souvent des données anonymisées plus longtemps. Par exemple, OpenAI anonymise après un certain temps les données de chat pour les réutiliser tout en « oubliant » l’utilisateur. En pratique, vos phrases peuvent nourrir l’IA pendant des mois, voire des années, mais de façon déconnectée de votre identité. C’est mieux pour la confidentialité individuelle, mais pour l’entreprise qui a fourni l’info, le résultat est le même : le contenu confidentiel pourrait vivre longtemps dans les entrailles du modèle.

Chaque requête envoyée à une IA externe doit être considérée comme potentiellement stockée et réutilisable. Même si ces services prennent des précautions (anonymisation, chiffrement en transit, etc.), le meilleur moyen de garder un secret est de ne pas le confier à une IA publique. Avant d’adopter ChatGPT & consorts pour une tâche pro, il faut bien comprendre ces mécanismes… ce que nous allons approfondir avec les différences entre outils.


2. Tour d’horizon des principaux outils IA et de leurs politiques de données

Tous les modèles d’IA ne se valent pas en matière de confidentialité. Certains fournisseurs utilisent vos données par défaut pour entraîner leurs modèles, d’autres s’y engagent moins, et les solutions open-source offrent encore une autre approche.

Voyons ce qu’il en est pour quatre acteurs emblématiques : OpenAI (ChatGPT), Anthropic (Claude), Google (Gemini), Mistral et Deepseek (dans le tableau).

(NB : Nous couvrons ici les IA textuelles généralistes. D’autres outils comme Microsoft 365 Copilot ou Gamma pourraient être mentionnés, mais ils reposent souvent sur ces mêmes modèles ou ont des politiques analogues. Les principes vus ici restent donc valables.)

Tableau comparatif des politiques de confidentialité

Pour y voir plus clair, voici un tableau comparatif synthétique des pratiques de nos quatre outils emblématiques en matière de stockage, conservation et réutilisation des données (version par défaut, c’est-à-dire grand public, sauf mention contraire) :


ChatGPT (OpenAI)

Présentation rapide : ChatGPT est sans doute l’IA générative la plus connue. Développée par la société américaine OpenAI en partenariat avec Microsoft, elle est proposée en version gratuite et Plus. OpenAI propose aussi des offres Business (ChatGPT Team, ChatGPT Enterprise) et une API pour les développeurs qui intègrent GPT dans leurs propres applications.

Utilisation des données : Par défaut, OpenAI utilise le contenu des conversations ChatGPT pour améliorer ses modèles. Cela signifie que tout prompt ou réponse que vous échangez via l’interface web ou l’application peut être analysé plus tard pour affiner l’IA.

Pour les versions Enterprise et API, la politique est plus stricte : aucune utilisation pour entraîner les modèles par défaut. En somme,

  • free/Plus = entraînement par défaut

  • Enterprise/API = confidentialité par défaut.

Stockage et accès : Les données ChatGPT sont stockées sur les serveurs cloud d’OpenAI. Des employés ou prestataires peuvent y accéder si nécessaire (par exemple, OpenAI a reconnu employer des personnes pour vérifier certaines conversations et affiner les réponses du modèle).

Différences gratuit vs payant : Étonnamment, sur la question des données, ChatGPT gratuit et Plus sont logés à la même enseigne – l’abonnement Plus payant offre surtout un meilleur modèle et plus de fonctionnalités, mais vos données sont traitées pareil (soumises à entraînement, etc., sauf si vous désactivez la fonctionnalité "Improve the model for everyone"). Ce n’est qu’en passant à l’offre Enterprise (destinée aux entreprises, avec contrat dédié) que vos conversations ne serviront plus du tout à former l’IA et bénéficieront de garanties contractuelles (chiffrement renforcé, certifications de conformité type SOC2, possibilité de choisir la région de stockage, etc.). OpenAI a bien conscience que les clients professionnels exigent cela – d’où ChatGPT Enterprise lancé en 2023 (Source: OpenAI) pour rassurer sur ces points. En revanche, si vous utilisez juste la version web grand public pour du boulot, vous acceptez que ces données deviennent la matière première d’OpenAI.

(Exemple concret : une employée qui a utilisé ChatGPT pour aider à rédiger un compte-rendu interne a vu, quelques mois ou années plus tard, des extraits quasi-identiques à son texte apparaître dans les réponses de ChatGPT utilisées par quelqu’un d’autre. Ce risque de « fuite » indirecte a poussé des entreprises comme Samsung, Amazon ou les banques à restreindre ou interdire l’usage de ChatGPT en interne


Sur la version Grand Public, Open AI mets à disposition des “Chats Ephémères” qui constituent une bonne alternative pour protéger les données : ces chats restent disponibles uniquement 30 jours en historiques, ne sont pas utilisés pour entrainer les modèles et sont supprimés automatiquement des serveurs Open AI au bout de 30 jours.


Mistral Le Chat (Mistral AI)

Présentation rapide : Mistral AI est une startup française qui propose un assistant IA conversationnel baptisé Le Chat, décliné en version gratuite, en offre Pro (abonnement payant) et en solutions Enterprise/API pour les clients professionnels.

Utilisation des données :

Les données des utilisateurs (prompts, contenus générés, éventuels retours) sont exploitées avant tout pour fournir le service (génération des réponses) et pour assurer la modération (détection d’abus). En revanche, l’usage de ces données à des fins d’entraînement des modèles varie selon l’offre : par défaut, les interactions des utilisateurs des versions Le Chat Free et Pro peuvent être conservées et analysées afin d’améliorer les modèles généraux de Mistral. Une option d’exclusion (« opt-out ») est proposée dans les paramètres du compte pour que les utilisateurs refusant ce traitement puissent le désactiver. À l’inverse, les offres Enterprise (par exemple le plan Team via l’API) garantissent une confidentialité accrue : aucune donnée client n’est utilisée pour entraîner les modèles par défaut, l’entreprise cliente devant au contraire s’y « opt-in » explicitement pour le partager

Stockage et accès : Mistral AI, en tant qu’entreprise européenne, est soumise au Règlement Général sur la Protection des Données (RGPD), garantissant une protection stricte des données des utilisateurs. La société met en avant l’hébergement des données en Europe (serveurs situés en Suède), gage de conformité aux normes RGPD. Les données des utilisateurs (prompts, contenus générés, éventuels retours) sont exploitées avant tout pour fournir le service (génération des réponses) et pour assurer la modération (détection d’abus).

Mistral AI applique en outre une politique de conservation limitée : les journaux techniques des appels API ne sont conservés que 30 jours pour des besoins d’audit et de sécurité avant suppression automatique. De même, une conversation initiée sans compte n’est stockée que le temps de la session active, tandis que les dialogues associés à un compte utilisateur sont retenus tant que celui-ci reste actif (jusqu’à suppression du compte par l’usager).

Différences gratuit vs payant : L’abonnement Pro, en plus de permettre aux utilisateurs de contrôler l’utilisation de leurs données, offre un accès illimité aux modèles les plus performants de Mistral AI, un nombre illimité de requêtes quotidiennes, et des fonctionnalités avancées telles que la génération d’images et l’analyse de documents.


Claude (Anthropic)

Présentation rapide : Claude est un assistant conversationnel développé par la startup Anthropic, fondée par d’anciens d’OpenAI aux États-Unis. Claude est disponible via Claude.ai (interface web, avec une version gratuite limitée et une version Pro payante) et via une API commerciale.

Utilisation des données : La politique de Claude diffère selon l’usage : en version publique (Claude.ai), Anthropic indique que les données de l’utilisateur peuvent être réutilisées pour améliorer le service et développer de nouveaux produits, et ce même pour la version Pro payante. En clair, si vous discutez avec Claude via le site web, vos prompts/réponses alimenteront l’entraînement futur (tout comme avec ChatGPT). Anthropic va même jusqu’à déconseiller l’usage de Claude.ai (gratuit ou Pro) pour des données professionnelles sensibles, puisqu’il n’y a pas de garantie de confidentialité absolue. (Source: Anthropic).

En revanche, pour les clients entreprise via l’API ou Claude “Work”: les données ne sont pas utilisées pour entraîner le modèle. Autrement dit, Anthropic suit le même schéma qu’OpenAI – distinction entre l’utilisation grand public (données exploitées) et business (données isolées).

Anthropic souligne que seuls des employés autorisés peuvent accéder aux données utilisateur, par exemple si un prompt est signalé pour raisons de sécurité, il pourra être examiné manuellement. Côté infrastructure, Anthropic étant une société US sans centre propre, vos données Claude transitent très probablement par des serveurs AWS en Amérique du Nord. Aucune indication n’est donnée d’un stockage européen par défaut.

Différences gratuit vs payant : Comme mentionné, Claude.ai gratuit = Claude Pro payant en termes de confidentialité : le paiement offre plus de capacités (prompts plus longs, priorités d’accès) mais pas un traitement des données différent. Pour un usage réellement privé de Claude, il faut passer par des solutions entreprise/API. En somme, pour Claude comme pour ChatGPT, « gratuit ou même Pro, vos données ne vous appartiennent plus vraiment ; en entreprise, elles restent les vôtres ».

Numéro 1, le plus sécure: Chat Temporaire de ChatGPT. Numéro 2 : Mistral AI version payante avec opt-out sur l’amélioration du modèle (car données aux EU + Français). Numéro 3 : Open AI / Claude en version payante. Pour plus de sécurité, passer sur les plans “enterprise” de ces solutions.


Google Gemini

Présentation rapide : Google a été un peu bousculé par l’essor de ChatGPT mais propose désormais son propre chatbot, Gemini, disponible gratuitement. Google intègre aussi ces IA génératives dans ses produits (ex : dans Google Workspace pour assister sur Gmail, Docs, etc.).

Utilisation des données : Google a une politique de données assez similaire aux précédents pour Gemini : les interactions utilisateur sont par défaut enregistrées et utilisées pour améliorer le service. En utilisant Gemini avec votre compte Google, vos questions/réponses peuvent être exploitées pour entraîner les modèles de Google (et potentiellement pour personnaliser votre expérience).

Des examinateurs humains peuvent également lire certaines conversations Gemini : Google l’admet et propose même une option pour refuser la “revue humaine” dans les paramètres d’activité. En pratique, cela signifie que, sans réglage particulier, vos prompts Gemini sont traités un peu comme vos recherches Google : stockés et analysés.

C’est l’équivalent du paramètre “Improve the model for everyone” chez OpenAI. Néanmoins, peu d’utilisateurs grand public connaissent ou activent ce réglage.

Cas de Google Workspace (Duet AI) : Pour ses clients professionnels (Google Workspace, GCP), Google a pris soin d’annoncer que les données des utilisateurs entreprise ne sont pas utilisées pour entraîner les modèles généraux. Par exemple, si votre société utilise l’assistant de rédaction dans Google Docs ou Gmail via Duet AI, les textes que vous générez ne partiront pas dans les datasets d’entraînement destinés au grand public. Ils restent confinés à votre organisation (Source: Google Workspace). C’est un point crucial : Google segmente bien ses offres grand public (où la donnée alimente Google) et entreprise (où la donnée du client reste à lui). Cela vise à se conformer au RGPD et à attirer les pros qui n’auraient sinon pas confiance.

Stockage et accès : Google s’appuie sur sa vaste infrastructure cloud. Si vous utilisez Gemini, vos données sont rattachées à votre compte Google et stockées dans des centres de données Google. Google ne communique pas de durée de conservation précise publiquement. Par ailleurs, en tant qu’entreprise US, Google est soumis lui aussi au Cloud Act – donc les données Gemini, où qu’elles soient stockées, pourraient être communiquées aux autorités américaines sur demande légale.

Différences gratuit vs payant : Actuellement, Gemini est gratuit pour les particuliers et il n’existe pas de version payante grand public. La différence se situe plutôt entre Gemini (service grand public). Sur Gemini, la confidentialité est limitée (données exploitées pour amélioration, sans garantie contractuelle pour l’utilisateur). Sur les offres payantes, Google s’engage contractuellement à ne pas utiliser les données des clients à des fins autres que le service rendu, et à respecter les normes de protection (chiffrement, conservation limitée, etc.) On peut donc considérer que Gemini “classique” est un outil d’exploration mais pas à utiliser avec de vraies données sensibles, tandis que les solutions Google pour entreprises offrent un niveau de confidentialité comparable aux offres Enterprise d’OpenAI ou Anthropic.

En résumé pour Google : “ce que vous dites à Gemini peut servir à Google”, mais “ce que vous dites à l’IA de votre Google Workspace reste à vous”. Il est toujours recommandé de vérifier les paramètres de votre compte Google (page “Données et confidentialité”) pour y ajuster l’utilisation de vos activités Gemini.


3. Versions gratuites vs payantes : quelles différences pour mes données ?

On l’a déjà entrevu, un schéma commun se dégage : les fournisseurs d’IA adoptent souvent une double approche, avec :

  • D’une part, les versions grand public (souvent gratuites ou freemium) où la donnée de l’utilisateur sert de monnaie d’échange. En échange d’un service gratuit ou peu cher, vous autorisez généralement l’entreprise à exploiter vos requêtes pour entraîner ses modèles et améliorer son produit. C’est le cas de ChatGPT Free/Plus, de Claude.ai, de Google Gemini, etc. Ces versions ne permettent pas de contrat sur mesure ni de garanties fortes de confidentialité. D’un point de vue RGPD, l’éditeur est souvent considéré comme responsable de traitement qui utilise les données pour son propre intérêt (améliorer son IA).

  • D’autre part, les versions professionnelles/entreprises (payantes) où la relation change : le client paye financièrement le service, et en contrepartie le fournisseur s’engage à ne pas exploiter ses données au-delà de la prestation. Ici, l’entreprise utilisatrice reste propriétaire de ses données, et l’éditeur se positionne plutôt en sous-traitant traitant les données seulement sur instruction du client (ce qui permet de respecter le RGPD via un contrat). Par exemple, OpenAI API/Enterprise, Anthropic Claude API/Business, Microsoft Azure OpenAI, ou Google Cloud Vertex AI, entrent dans cette catégorie.

Concrètement, la gratuité a un prix caché : vos données. Avec ChatGPT gratuit, vous n’avez aucun moyen d’empêcher qu’un bon prompt que vous avez élaboré soit intégré (anonymement) et finisse par améliorer le modèle auquel vos concurrents auront accès. Avec la version payante entreprise, vous pouvez exiger contractuellement l’isolation de vos infos. De même, la responsabilité légale en cas de problème de données n’est pas la même : sur une version gratuite, vous utilisez l’outil « tel quel » et l’éditeur décline en général toute responsabilité vis-à-vis des données que vous lui confiez. Sur une version entreprise, il signe en général un contrat de traitement des données (DPA) qui le rend responsable de bien protéger vos données et de vous notifier en cas de fuite, etc.

En somme, si vous utilisez un outil dans sa version standard (gratuite ou non) et non dans le cadre d’un contrat B2B spécifique, supposez que vos données alimentent l’éditeur. À l’inverse, si vous souscrivez à une offre entreprise, l’éditeur s’engage à ne pas toucher à vos données et à vous laisser éventuellement définir vous-mêmes la politique (durées de conservation, lieu d’hébergement, etc.).

Du point de vue d’une PME ou d’un indépendant, cela veut dire : faut-il absolument payer pour être en conformité ? Pas forcément, mais il faut alors prendre des précautions supplémentaires (voir bonnes pratiques plus loin) et accepter une part de risque. Beaucoup d’outils IA n’ont pas encore d’offre dédiée PME ; il peut être disproportionné de payer un contrat Enterprise pour quelques utilisateurs. Dans ce cas, on peut continuer à exploiter les versions gratuites, mais en limitant ce qu’on leur confie. Par exemple, une équipe marketing peut tout à fait utiliser ChatGPT gratuit pour brainstormer des idées de slogan, car aucune donnée sensible n’est en jeu, et le gain créatif vaut plus que le risque. En revanche, un service RH devrait éviter de coller des évaluations nominatives d’employés dans ChatGPT gratuit – là, le risque légal et éthique est trop grand. La règle d’or : ce qui est gratuit doit être considéré comme public (d’une manière ou d’une autre), ce qui est contractuel peut être considéré comme privé.

Lorsque vous fournissez un feedback (par exemple, en cliquant sur le pouce vers le haut, le pouce vers le bas, ou en choisissant l’une des versions proposées par ChatGPT), l’ensemble des informations liées au prompt est partagé afin d’améliorer les modèles. Ce feedback porte également sur les réglages initiaux, notamment si vous utilisez un compte Enterprise. Par ailleurs, Gemini précise que, dans leur cas, les messages précédant le prompt concerné par le feedback sont également collectés afin de mieux comprendre le contexte de la demande.


4. Quelles IA sont les plus respectueuses de la vie privée ? (Classement)

Résumé : Les solutions locales ou professionnelles sont les plus sûres ; les outils gratuits ou par défaut représentent les plus grands risques pour la vie privée des utilisateurs.

Intéressons-nous maintenant à un classement indicatif des outils et approches par niveau de respect de la vie privée, du plus prudent au plus risqué. Il ne s’agit pas d’un classement absolu de mérite, mais plutôt de catégoriser quelles solutions offrent le plus de contrôle à l’utilisateur sur ses données.

  1. ⭐ Modèles open-source exécutés localement (ex : Mistral 7B, LLaMA 2, GPT4All)Respect maximum. Vos données ne quittent jamais votre environnement. Aucun fournisseur tiers n’y a accès, pas de risque de Cloud Act ou d’usage détourné. C’est l’idéal pour des informations hautement confidentielles. Bien sûr, il faut gérer soi-même la sécurité (serveurs bien protégés, etc.), mais on est maître chez soi. Inconvénient : demande des ressources techniques (infrastructure, compétences) et les modèles open-source peuvent être moins performants ou moins complets que les services cloud de géants du secteur. Autre inconvénient majeur : cela coûte cher, beaucoup plus cher qu’un appel API. Néanmoins, pour de nombreux cas (documents internes, prototypage), c’est une solution de choix si on a les compétences.

  2. 🥈 Services d’IA dédiés ou auto-hébergés (ex : installation de GPT-4o sur un cloud privé, solution fournie par un prestataire européen) – Ici aussi, on vise le contrôle total. Par exemple, certaines entreprises optent pour des instances dédiées de modèles (OpenAI propose via Azure un “instance” où seul le client envoie des données, sans mélange avec d’autres). D’autres passent par des startups européennes qui offrent des modèles proxys plus respectueux. L’idée est d’éviter les grands environnements mutualisés. Inconvénient : le coût peut être plus élevé (service premium) plutôt que de passer par des comptes comme OpenAI Enterprise par exemple.

  3. 🥉 Offres Enterprise des grands fournisseurs (ex : OpenAI Enterprise, Google Vertex AI, Anthropic par API) – On atteint déjà un bon niveau de confiance. Vos données ne sont pas utilisées pour l’entraînement et restent cloisonnées. Les fournisseurs offrent souvent des outils pour contrôler la rétention, chiffrer les infos, monitorer les accès. Par exemple, OpenAI Enterprise chiffre les données “au repos” et permet un paramétrage de conservation, Anthropic Claude Enterprise offre des options de suppression et de DPA GDPR-compliant. Limites : la donnée est quand même hébergée chez un tiers (donc risque Cloud Act toujours présent si le tiers est US), et il faut avoir la taille ou les moyens financiers pour ces offres. Mais pour une entreprise qui utilise intensivement l’IA, c’est une voie sûre et souvent plus simple à déployer que l’open-source pur.

  4. 💡 Outils grand public avec options de confidentialité activées (ex : ChatGPT avec “Améliorer le modèle pour tous” désactivé, Gemini avec activité de modèle désactivée) – Un cran en dessous, on a les usages grand public “protégés” par les réglages utilisateur. Si vous utilisez les chats éphémères sur ChatGPT, vos nouvelles conversations ne serviront pas à former le modèle (OpenAI les traitera juste pour modération sur 30 jours puis les effacera). C’est nettement mieux que rien. Google permet de manière similaire de désactiver l’enregistrement de vos interactions Gemini. Limites : cela repose sur la confiance envers le fournisseur (il conserve quand même techniquement les données un temps et pourrait changer sa politique), et en cas de bug ou d’oubli du réglage sur un autre appareil, on repasse en mode “collecte”. De plus, cela n’empêche pas nécessairement un examinateur humain de voir vos données si elles sont signalées pour abus. Donc on sort un peu du cadre d’une utilisation professionnelle régulée – à utiliser pour des tests ou des usages non sensibles.

  5. ⚠️ Outils grand public standard, sans précaution (ex : ChatGPT gratuit avec historique, Claude.ai public, Gemini par défaut)Risque le plus élevé pour la confidentialité. Ici vos données sont pleinement exploitées par le service. Pour un usage loisir ou pour des questions anodines, ce n’est pas un problème. Mais c’est à proscrire pour des données d’entreprise sensibles ou des données personnelles. Vous n’avez aucune garantie qui vous protégerait si, par exemple, une information confidentielle se retrouvait réutilisée par le modèle ou compromise en cas de faille de sécurité chez le fournisseur.

En résumé, plus vous montez en gamme vers des solutions contrôlées (open-source local, services dédiés, offres entreprise), plus votre risque d’exposition et/ou de fuite de données diminue. À l’inverse, les solutions grand public par défaut, bien que très puissantes et attractives, doivent être utilisées en gardant à l’esprit que chaque donnée fournie est potentiellement partagée. Pour un usage professionnel, il est recommandé de viser au minimum le niveau 4 (outils avec options de confidentialité activées) et idéalement niveau 3 ou au-delà pour des données stratégiques.


5. Ce que disent les lois : RGPD, Cloud Act, AI Act… quelles obligations ?

Résumé : Le RGPD impose des règles strictes sur les données personnelles, le Cloud Act expose aux lois américaines, et l’AI Act va renforcer les exigences de transparence et de contrôle.

Le cadre réglementaire autour de l’IA évolue rapidement. Trois piliers juridiques méritent l’attention des professionnels qui utilisent des IA génératives : le RGPD (protection des données personnelles), le Cloud Act (loi américaine aux effets extraterritoriaux) et l’AI Act (future réglementation européenne sur l’IA). Tour d’horizon de ce qu’il faut en retenir et de leur impact sur vos usages.

RGPD – Gardien des données personnelles en Europe

Le RGPD (Règlement Général sur la Protection des Données) est en vigueur depuis 2018 dans l’UE. Il impose des règles strictes dès lors que vous traitez des données à caractère personnel (DP) – c’est-à-dire toute info relative à une personne identifiée ou identifiable. Par exemple, un nom, un email pro, un numéro de client, voire une voix enregistrée sont des DP. Si dans vos prompts d’IA vous incluez de telles données (employés, clients, etc.), alors vous réalisez un traitement de données personnelles et devez respecter le RGPD.

Principales obligations RGPD applicables :

  • Base légale & finalité : Il faut un motif valable pour utiliser ces données. Dans un contexte pro, ça pourrait être l’intérêt légitime de l’entreprise (améliorer la productivité via l’IA) – à condition que ça ne porte pas une atteinte disproportionnée à la vie privée. Pour des données très sensibles (par ex. santé, données RH), l’intérêt légitime peut être contesté ; le consentement explicite de la personne pourrait être requis. Par exemple, si vous voulez utiliser l’IA pour analyser des CV, assurez-vous d’en avoir informé les candidats et d’avoir une base légale, car vous transférez potentiellement leurs données à un outil externe. L’autorité italienne a reproché à OpenAI l’absence de base légale pour l’usage des données personnelles dans ChatGPT.

  • Transfert hors UE : Envoyer des DP vers un service aux États-Unis (ou tout pays non “adequate” selon l’UE) est un transfert international. Il faut le sécuriser juridiquement (clauses contractuelles types – SCC, ou autre mécanisme). Avec un compte gratuit sur ChatGPT ou Gemini, vous n’avez pas cette garantie (OpenAI/Google ne signent pas de contrat avec chaque utilisateur). En entreprise, il faudrait signer un DPA avec le fournisseur qui inclut les SCC. OpenAI propose un DPA pour ses clients entreprise/API, mais pas pour les utilisateurs individuels. En clair, utiliser ChatGPT gratuit sur des données personnelles met l’entreprise en risque de non-conformité RGPD, puisque c’est un transfert de fait illégal (pas de base légale solide ni de garanties contractuelles). De nombreuses CNIL européennes se sont penchées sur le sujet en 2023 (Italie bloquant ChatGPT temporairement, enquête de la France, de l’Espagne, etc. sur l’usage des DP par ces IA).

  • Sous-traitance : Si l’IA est considérée comme un sous-traitant (traitant les DP pour le compte de votre entreprise, sans les utiliser pour son propre compte), le RGPD impose de signer un contrat avec des clauses précises, et de s’assurer que le sous-traitant offre des garanties suffisantes. Pour ChatGPT gratuit, OpenAI n’est pas vraiment sous-traitant (il utilise les données pour son compte). Donc ce schéma ne s’applique pas. En revanche, si vous avez ChatGPT Enterprise, OpenAI se positionne en sous-traitant et vous propose un contrat en conséquence. Pensez donc bien, en cas d’utilisation pro régulière, à obtenir un accord contractuel.

  • Minimisation & sécurité : Le RGPD consacre le principe de minimisation – ne pas traiter plus de données que nécessaire. Cela rejoint nos conseils : n’envoyez à l’IA que le minimum d’infos pour obtenir le résultat voulu. Moins il y a de données personnelles, moins il y a de risque. De plus, assurez une sécurité adéquate : par ex., utiliser l’IA sur un réseau sûr, avec un compte protégé (MFA), éviter de stocker des copies des réponses contenant des DP dans des endroits non sécurisés, etc. Si une fuite survient via l’IA (imaginons que le fournisseur se fasse pirater et que vos données se retrouvent exposées), votre entreprise pourrait être tenue de le notifier à la CNIL comme violation de données. Il vaut mieux prévenir ce scénario en ne fournissant pas de données trop sensibles ou en les anonymisant.

En résumé, du point de vue RGPD, toute donnée personnelle envoyée à une IA externe doit être pesée : ai-je le droit de le faire ? Ai-je informé la personne concernée éventuellement ? Ai-je un accord de traitement avec le fournisseur ? Si la réponse est non, il faut éviter ou anonymiser. Notez qu’anonymiser signifie retirer toute information permettant d’identifier une personne (nom, email, mais aussi éléments contextuels trop précis). Par exemple, remplacer “Dupont, 45 ans, directeur marketing” par “X, cadre marketing expérimenté” : on perd en précision mais on sort du champ de la donnée personnelle.

Cloud Act – Le long bras de la loi américaine

Le CLOUD Act (Clarifying Lawful Overseas Use of Data Act) est une loi fédérale américaine de 2018 qui a un impact important sur les données hébergées chez les fournisseurs US. Essentiellement, le Cloud Act permet aux agences fédérales américaines (police, justice) d’exiger d’une entreprise américaine qu’elle fournisse les données électroniques qu’elle stocke, même si ces données se trouvent sur des serveurs à l’étranger, dès lors qu’un mandat/courrier juridique valide est émis. En clair, si vous utilisez un service d’IA américain (OpenAI, Google, Microsoft, Anthropic…), les autorités US pourraient, dans le cadre d’une enquête, accéder aux données que vous avez confiées à ce service, sans nécessairement passer par les canaux juridiques européens.

Pourquoi est-ce un problème ? Parce que cela contourne le RGPD et les protections européennes. Une entreprise européenne peut se retrouver en porte-à-faux : d’un côté tenue de protéger les données de ses clients, de l’autre contrainte car son prestataire US doit obéir à une loi extraterritoriale. Le Cloud Act a été vivement critiqué en Europe pour ce potentiel conflit de lois. Par exemple, le RGPD exige de ne pas transférer de données personnelles hors UE sans garantie ; or le Cloud Act pourrait obliger un transfert forcé aux autorités US, sans notification préalable. On a donc une épineuse question de souveraineté.

Dans la pratique, pour un usage courant d’une IA, le risque Cloud Act est assez théorique si vous n’êtes pas dans un secteur sensible. Il faudrait que vos données intéressent la justice US (lutte anti-terroriste, enquête criminelle…). Il est peu probable que des échanges RH ou un brouillon de campagne marketing fassent l’objet d’un mandat fédéral ! Cependant, les entreprises dans des domaines stratégiques (défense, santé, données gouvernementales) doivent y prêter une attention extrême. Par principe de précaution, de nombreuses organisations publiques en Europe évitent d’utiliser des services cloud US pour des données sensibles.

Quelles solutions ? À ce jour, il n’y a pas de parade légale simple, hormis choisir des fournisseurs non soumis au Cloud Act (par ex. des solutions IA européennes ou open-source locales). Une autre option est le chiffrement : si vous chiffrez vous-même les données avant de les envoyer, et que le fournisseur n’a pas la clé, alors même si on lui demande les données, elles seront illisibles. Mais dans le contexte d’un chatbot IA, chiffrer le prompt n’a pas de sens (l’IA doit le lire pour répondre). On pourrait imaginer des techniques d’encryptage homomorphe ou de secret computing qui permettraient un traitement chiffré, mais c’est encore loin d’un usage opérationnel avec des modèles de langage grands. Donc, en l’état, utiliser une IA US = accepter le risque Cloud Act.

Quelques fournisseurs cloud proposent des artifices : par ex. Microsoft avec sa solution “Azure OpenAI” permet d’héberger les modèles d’Open AI dans un data center en Europe et assure qu’elle contesterait toute demande illégitime. Mais même Microsoft ne peut pas garantir de s’opposer à un mandat fédéral (elle devra en dernier ressort obéir, le Cloud Act étant une loi contraignante).

En résumé : le Cloud Act n’est pas un interdit, mais un facteur de risque. Si vos données sont très confidentielles (secret industriel, données personnelles massives, etc.), envisagez des solutions européennes ou hébergées en interne pour les traiter via l’IA, de façon à rester en maîtrise. Pour des données non personnelles ou peu sensibles, le Cloud Act est un risque faible et largement accepté en pratique (la plupart des entreprises utilisent bien des logiciels US type Office 365, malgré ce risque). L’important est d’en être conscient : confier une donnée stratégique à un GAFAM, c’est potentiellement la confier aussi au gouvernement US si celui-ci la réclame.

AI Act – La future régulation européenne sur l’IA

L’AI Act (Acte sur l’Intelligence Artificielle) est un règlement européen très attendu, adopté en 2024 (Règlement UE 2024/1689), avec des dispositions applicables dès 2025 pour les catégories de risque les plus élevées, et dont les dispositions principales seront applicables à partir de janvier 2026. Son objectif est d’encadrer les usages de l’IA pour garantir la sécurité, les droits fondamentaux et la transparence. C’est un texte volumineux, mais pour les utilisateurs professionnels d’IA générative, voici les points clés :

  • Classification par niveaux de risque : Le règlement distingue plusieurs catégories de systèmes d’IA : risque minimal (pas d’obligations spécifiques), risque limité (obligations de transparence, ex informer l’utilisateur qu’il parle à une IA), risque élevé (obligations strictes de contrôle, d’évaluation de conformité, etc., car ces IA peuvent affecter significativement des vies), et risque inacceptable (IA carrément interdites, comme la surveillance biométrique de masse ou le scoring social). Les IA génératives comme ChatGPT sont considérées comme des IA à usage général ; elles ne sont pas interdites, mais si elles sont utilisées dans un contexte à risque (p.ex. recrutement, diagnostic médical), ce contexte pourrait être classé « à haut risque ».

  • Transparence vis-à-vis des utilisateurs : Pour les IA de type chatbot (risque limité), l’AI Act exigera que les gens soient informés qu’ils interagissent avec une IA et non un humain. Donc, si vous déployez un agent conversationnel en service client sur votre site, vous devrez clairement le signaler. De même, pour les contenus générés (texte, image), il y aura obligation de notifier que c’est une création d’IA dans certains cas, afin de prévenir la tromperie (ex : mentionner qu’un rapport ou un brouillon a été généré par IA si on le diffuse en interne peut devenir une bonne pratique encouragée).

  • Impact sur l’IA générative : l’AI Act impose des obligations tant aux fournisseurs qu’aux utilisateurs d’intelligence artificielle, en particulier pour les modèles à usage général comme ChatGPT. Les fournisseurs (OpenAI, Google…) devront répondre à des exigences strictes en matière de qualité, de documentation technique, de gestion des risques, et fournir plus d’informations sur les données d’entraînement, les limitations du modèle, etc. Un chapitre spécifique est dédié aux IA génératives ou “modèles de fondation” : les fournisseurs devront assurer une certaine explicabilité des systèmes et mettre en place des mesures pour éviter la génération de contenus illégaux. Du côté des utilisateurs, en particulier ceux ayant recours à des systèmes d’IA à haut risque (comme le tri de CV ou l’octroi de crédits), l’AI Act exige une utilisation conforme aux consignes du fournisseur, une obligation de signalement des incidents graves, et la capacité d’expliquer les décisions prises par l’IA, en cohérence avec les principes du RGPD. Cela implique que les entreprises devront redoubler de vigilance et maintenir une supervision humaine, surtout face à des modèles encore largement perçus comme des “boîtes noires”.

En résumé, l’AI Act va responsabiliser autant les concepteurs que les utilisateurs d’IA. Pour un usage standard (rédaction d’emails, support à la créativité), l’impact sera minime : il faudra peut-être juste mentionner que vous utilisez un outil IA si pertinent, et s’assurer que l’outil est conforme (ce qui sera le problème du fournisseur). Pour un usage avancé et critique (IA qui prend des décisions sur des humains, comme embauche, évaluation, diagnostic), l’AI Act impliquera un cadrage strict : vous ne pourrez pas vous reposer aveuglément sur l’IA, et il faudra utiliser des systèmes certifiés, garder la main humaine et reporter les éventuels incidents.

Conseil pratique vis-à-vis de l’AI Act : Commencez dès maintenant à documenter vos usages de l’IA en interne. Recensez où vous l’utilisez, pour quoi faire, et évaluez le risque. Si c’est potentiellement dans la catégorie “à haut risque”, soyez proactif : définissez des procédures de contrôle, préparez-vous à justifier le fonctionnement du système, etc. Par exemple, si un service RH utilise un algorithme GPT pour aider au tri de CV, qu’il le fasse de manière expérimentale, en double avec un humain, en mesurant si des biais surviennent, etc. Ainsi, quand l’AI Act sera en vigueur, vous aurez déjà une démarche de conformité.

Enfin, n’oublions pas que l’AI Act consacre l’idée que l’IA doit respecter la vie privée dès la conception (privacy by design) – on peut donc s’attendre à ce que les outils évoluent pour intégrer plus nativement des options d’anonymisation, de purge des données, etc. Ce qui aujourd’hui nécessite beaucoup de vigilance manuelle sera peut-être plus automatisé demain.


6. Bonnes pratiques pour protéger ses données en utilisant l’IA

Résumé : Utiliser l’IA de manière sécurisée implique d’anonymiser ses données, de limiter les informations partagées, d’ajuster les réglages de confidentialité et de former les équipes.

Après la théorie, passons à la pratique. Comment, en tant que professionnel, utiliser concrètement les IA génératives sans compromettre ses données ? Voici nos conseils concrets, sous forme d’encadrés pratiques, checklists et exemples.

Exemples de prompts anonymisés

L’anonymisation consiste à enlever ou remplacer toute information identifiable dans vos données avant de les soumettre à l’IA. Cela réduit considérablement les risques. Voyons quelques exemples typiques :

  • Cas 1 – Ressources Humaines (confidentiel) :

    Mauvais prompt (données brutes) : « Peux-tu rédiger une lettre de licenciement pour Monsieur Jean Dupont, né le 03/05/1980, employé comme Comptable depuis 2015, en indiquant que la raison est faute grave suite à détournement de 5 000 € ? »

    Ce prompt contient nom, date de naissance, poste, et une accusation précise – énormément d’infos sensibles pour l’entreprise et la personne !

    Bon prompt (anonymisé) : « Peux-tu me fournir un modèle de lettre de licenciement pour faute grave (détournement de fonds), concernant un employé de longue date dans le service comptabilité ? Le ton doit être formel et factuel. »

    Dans la version anonymisée, le nom de l’employé a disparu, la date aussi, le montant exact est omis. On garde juste le nécessaire (faute grave, domaine compta, ton souhaité). L’IA pourra parfaitement générer une trame de lettre. Il suffira ensuite, en interne, de remplacer les X par les détails (nom, montant, date…). Ainsi, jamais ces détails personnels n’ont transité sur l’IA.

  • Cas 2 – Marketing (données client) :

    Mauvais prompt : « Génère-moi une étude de cas attrayante à partir de ce témoignage client : « Nous, la société Trucmuche SARL, avons utilisé le produit XYZ de 2020 à 2022 et avons augmenté nos ventes de 15 %. Martin Durand, directeur commercial, recommande ce produit. » »

    Ici, on donne le nom exact de la société cliente, un pourcentage précis et le nom du directeur qui témoigne. Problème : si ce témoignage n’est pas public, on divulgue des infos commerciales privées à l’IA.

    Bon prompt : « Génère-moi une étude de cas fictive mais réaliste pour un client dans l’industrie X ayant utilisé notre produit pendant 2 ans, avec à la clé une amélioration sensible de ses ventes. Le témoignage doit paraître authentique. »

    Dans cette version, on ne met plus de noms réels ni de chiffres exacts. On reste général (2 ans, amélioration sensible au lieu de 15%). L’IA va produire un texte marketing générique que vous pourrez ensuite ajuster avec les vrais chiffres en dehors de l’outil. Cela protège le secret du client tout en bénéficiant de la plume de l’IA.

  • Cas 3 – Support technique (log interne) :

    Mauvais prompt : « Diagnostique l’erreur dans ce log : User PAULINE_DSMITH failed login from IP 192.168.0.55 on 2025-03-20. Account ID 554433 locked. »

    On vient de donner un nom d’utilisateur (Pauline D. Smith), une IP interne, un ID… Ce sont potentiellement des données personnelles (compte nominatif) et techniques sensibles.

    Bon prompt : « Un utilisateur rencontre une erreur de connexion avec message « user failed login – account locked ». Quels peuvent être les causes et comment les résoudre ? »

    On a retiré tout identifiant unique. L’IA pourra expliquer en général ce que signifie “compte verrouillé après échec login” et comment gérer, ce qui suffit probablement au support pour dépanner, sans exposer les données du log brut.

En règle générale, réfléchissez toujours : “Ai-je vraiment besoin de fournir ce détail pour obtenir l’aide de l’IA ?”. Souvent, la réponse est non. L’IA peut fonctionner avec des placeholders ou des descriptions abstraites. Vous pouvez utiliser des lettres (X, Y) ou des prénoms fictifs si nécessaire, ou encore dire “une personne A, une entreprise B”. De même pour des chiffres, peut-être qu’un ordre de grandeur ou un pourcentage approximatif suffira. Si vous devez absolument traiter du texte sensible (exemple : vous voulez une correction grammaticale d’un email contenant des infos internes), envisagez de remplacer les éléments confidentiels par XXXXXXXXX avant de le soumettre. Certes, c’est un effort additionnel, mais c’est le prix de la sécurité. Une donnée anonymisée est une donnée qui ne vous causera pas de tort si elle fuitait.


Checklist : Utilisation responsable de l’IA au quotidien

Voici une checklist des bonnes pratiques à adopter systématiquement lorsque vous utilisez une IA dans un contexte professionnel. N’hésitez pas à l’imprimer et à la garder près de vous !

1. Partager le minimum de données possible dans vos prompts – Appliquez la règle du “Need to know” : ne fournissez que ce qui est utile à la tâche. Plus le prompt est concis et générique, moins vous exposez d’information.

2. Éviter les données personnelles ou sensibles – Bannissez noms, adresses, numéros d’identification, informations intimes, données financières confidentielles, etc., sauf absolue nécessité. Si vous devez malgré tout manipuler de telles données, anonymisez-les (cf. exemples ci-dessus) ou utilisez une solution locale/privée.

3. Activer le chat éphémère – Sur ChatGPT, activez l’option éphémère en haut à droite qui garanti que les données seront supprimées au bout de 30 jours. Sur Google, mettez en pause l’activité Gemini. Cela empêche (dans les limites annoncées) que vos données partent dans les ensembles d’entraînement de l’IA.

4. Supprimer régulièrement les contenus partagés – Effacez vos conversations importantes des historiques du service. Par exemple, après avoir obtenu une réponse de l’IA, supprimez le chat de la liste (OpenAI et Anthropic garantissent alors la suppression sous 30 jours). Ainsi, même si le fournisseur est compromis, vos anciennes données n’y seront plus.

5. Être clair et précis dans vos requêtes – Cela peut sembler hors sujet, mais un prompt flou peut entraîner un long dialogue où vous finirez par donner plus d’infos. Au contraire, un prompt bien formulé dès le départ évite les allers-retours inutiles. Moins d’échanges = moins de données partagées. En plus, vous gagnerez du temps !

6. Privilégier les IA “moins gourmandes en données” – C’est-à-dire celles qui, par conception, en requièrent peu de vous ou qui mettent l’accent sur la confidentialité. Par exemple, un correcteur orthographique local (comme LanguageTool en mode offline) peut suffire au lieu d’un gros modèle en ligne pour corriger un texte. De même, si un modèle plus petit peut tourner en interne pour un besoin donné, c’est mieux qu’un grand modèle externe.

7. Vérifier les conditions d’utilisation – En cas de doute, jetez un œil aux politiques du service. Y a-t-il des engagements sur les données ? Des paramètres de confidentialité ? Connaître la position officielle vous aide à adapter votre usage. Et si les conditions vous semblent incompatibles avec votre activité (ex: impossibilité de garantir la confidentialité), abstenez-vous.

8. Exercer vos droits si nécessaire – Le RGPD vous donne le droit d’accès à vos données. Par exemple, vous pouvez demander à OpenAI ou Google une copie des données personnelles vous concernant qu’ils ont stockées. C’est aussi un moyen de vérifier ce qu’ils conservent. Vous avez également un droit à l’effacement : OpenAI permet de supprimer son compte et donc ses données. Si vous pensez qu’un contenu sensible traîne chez un fournisseur, n’hésitez pas à utiliser ces mécanismes.

9. Former et sensibiliser vos équipes – Si vous êtes responsable d’une équipe ou d’une entreprise, éduquez vos collaborateurs à ces bonnes pratiques. Une fuite peut venir d’une seule personne qui, par ignorance, collera un fichier client entier dans un prompt. Établissez une charte interne d’utilisation de l’IA, avec des do & don’t (par exemple : “Ne jamais mettre de données client nominatives dans ChatGPT”). Et partagez des exemples d’anonymisation pour qu’ils voient comment faire.

10. Surveiller l’évolution des outils et réglementations – Ce qui est vrai aujourd’hui évoluera. Abonnez-vous aux mises à jour des politiques de vos outils IA (ils envoient souvent des mails en cas de changement). De même, tenez-vous informé des actualités réglementaires via votre référent juridique/DPO. Par exemple, si OpenAI offre demain une option de stockage régional en Europe, cela pourrait lever certains obstacles – bon à savoir.

En suivant cette checklist, vous réduirez drastiquement les risques tout en continuant à profiter de la puissance des IA. Le maître-mot est vigilance : chaque fois que vous utilisez l’IA, ayez un petit réflexe mental “Secure by design”. Au fil du temps, cela deviendra naturel.

Pour protéger vos données sur ChatGPT, désactivez l’historique des conversations dans les paramètres (accessible via le menu quand vous cliquez sur votre photo de profil).

Liste des risques fréquents à éviter

Malgré tout, certaines erreurs ou imprudences reviennent souvent. Voici une liste de pièges à éviter absolument lorsque vous utilisez des IA dans votre travail :

  • Ne pas tester l’IA avec de vraies données sensibles : Un développeur qui veut “voir ce que l’IA va répondre” pourrait être tenté de lui fournir un extrait de vraie base de données. C’est une mauvaise idée. Pour vos tests, créez de fausses données ressemblantes plutôt que d’utiliser les vraies.

  • Éviter de divulguer des secrets commerciaux : Par enthousiasme, on peut chercher des conseils de stratégie auprès de l’IA (“Que faire pour contrer le produit Y de notre concurrent Z ?”). Formulez cela de manière générique. Ne donnez pas le plan marketing confidentiel en entier pour demander une opinion, par exemple. Souvenez-vous que tout ce que vous lui dites pourrait ressortir ailleurs.

  • Ne pas oublier que l’IA n’est pas confidentielle : Parler à ChatGPT peut donner l’illusion d’une conversation privée, presque intime, surtout avec le ton naturel des réponses. C’est trompeur. Derrière, ce n’est pas un ami discret, c’est un service cloud. Ne baissez pas la garde sous prétexte que “ce n’est qu’une machine”. Ce faux sentiment de sécurité est un danger pointé par la CNIL.

  • Ne pas laisser traîner les données générées : Quand l’IA vous donne une réponse qui contient des fragments de vos données initiales, faites-y attention. Par exemple, si vous lui avez donné un paragraphe d’un rapport confidentiel à résumer, sa réponse est censée être un résumé abstrait… mais vérifiez qu’elle n’inclut pas des phrases entières de l’original. Si c’est le cas, ne copiez-collez pas cette réponse brute dans un email externe par inadvertance. Nettoyez ou paraphrasez-là.

  • Ne pas oublier la conformité globale : L’IA est un outil parmi d’autres. Si vous l’utilisez pour un traitement de données personnelles, n’oubliez pas vos devoirs : registre de traitement, analyse d’impact si nécessaire, info des personnes… Le RGPD ne s’arrête pas parce que c’est de l’IA. Par exemple, une université qui utilise ChatGPT pour aider à trier des candidatures devrait le mentionner dans son processus d’information aux candidats (transparence).

  • Attention aux contenus illicites : Ce guide se focalise sur la confidentialité, mais rappelons que l’utilisation de l’IA a d’autres aspects. Évitez de demander ou de générer des contenus illégaux, diffamatoires, ou de violer la propriété intellectuelle via l’IA. Outre le risque légal direct, ça peut conduire le fournisseur à suspendre votre compte (leurs politiques d’usage interdisent les abus). Un professionnel doit s’assurer de rester dans un cadre éthique et légal sur tous ces plans.

En évitant ces écueils, vous réduisez encore plus la surface de risque. Beaucoup de ces points relèvent du bon sens et d’une bonne hygiène numérique, mais avec l’engouement pour l’IA, il est facile de se laisser emporter et d’oublier les fondamentaux. Prenez le temps de réfléchir avant chaque usage potentiellement problématique.

7. Solutions avancées : modèles locaux, cloud privé, arbitrages sécurité vs innovation

Résumé : Pour des usages critiques, des solutions comme les IA locales, cloud privés ou instances dédiées permettent de concilier innovation et contrôle strict des données.

Malgré toutes les précautions, vous aurez peut-être des besoins où les outils IA en ligne grand public ne pourront pas être utilisés (trop risqué), ou bien vous souhaiterez aller plus loin en intégrant l’IA à grande échelle dans vos processus tout en maintenant un haut niveau de sécurité. Quelles options s’offrent à vous ? Faisons un tour d’horizon des solutions avancées et de la manière d’arbitrer entre sécurité, coût et innovation.

Opter pour un modèle local (on-premise)

C’est la solution la plus sécurisée : faire tourner l’IA sur votre propre infrastructure. Soit sur des serveurs dans vos locaux, soit sur votre cloud privé (par ex, vos machines virtuelles sur un provider type OVH Cloud, Outscale, etc.). Avec l’essor des modèles open-source, c’est de plus en plus réalisable. Meta a ouvert la voie avec LLaMA (disponible en différentes tailles, dont Llama-3 70B qui est assez compétitif). Des projets comme GPT4All, Alpaca, Dolly ont aussi émergé pour fournir des versions allégées qui tournent même sur un bon PC portable.

Avantages : Vous gardez le contrôle total. Les données ne sortent pas, vous pouvez même couper tout accès internet à la machine qui tourne l’IA pour être sûr. Vous pouvez aussi personnaliser le modèle (fine-tuning) avec vos données internes sans crainte de fuite. Par exemple, entraîner une petite IA sur votre base documentaire confidentielle pour qu’elle réponde à des questions métier, c’est possible en local et ça restera chez vous. Pas de dépendance à un service externe (pas de downtime imprévu ou de changement de politique subi). Pas d’abonnement coûteux non plus une fois l’investissement matériel fait – les modèles open-source sont gratuits d’utilisation.

Inconvénients : Cela demande une certaine expertise technique. Installer et optimiser un modèle n’est pas toujours plug-and-play, même si les choses se simplifient (il existe des interfaces web simples comme oobabooga Text UI pour gérer localement un chatbot). Surtout, la puissance de calcul requise est élevée pour les grands modèles. GPT-4o par exemple n’est pas open-source, mais admettons que vous vouliez un modèle équivalent – il faudrait des dizaines de GPU et une facture d’électricité énorme pour l’inférer. Les modèles open-source plus petits passent sur du hardware plus modeste mais au prix de performances moindres. Vous devrez accepter que votre IA maison est peut-être moins “intelligente” ou moins experte qu’un GPT-4o en ligne. Or pour certaines tâches, ça suffit, pour d’autres non. C’est un arbitrage : AI top niveau vs confidentialité totale. Beaucoup d’organisations choisissent une approche hybride (voir plus loin).

L’autre inconvénient est la partie coûts, car héberger son propre modèle est beaucoup plus coûteux financièrement et demande d’avoir des volumes d’usages très important pour rentabiliser l’hébergement plutôt qu’une API. Par ailleurs fine-tuner son modèle demande d’avoir des compétences développement data, et du temps de développement assez important (notamment sur les tests du modèle). Cette solution est pertinente pour les entreprises où le modèle d’IA est vraiment ay coeur du business et a un impact fort.

Cas d’usage recommandés du on-premise : Traitement de documents internes, assistance sur code propriétaire (on peut localement coder avec une IA entraînée sur son propre codebase, sans rien exposer dehors), etc. Aussi, secteurs ultra-sensibles (défense, médicaux) – ils vont quasiment toujours préférer du on-prem ou des clouds souverains pour l’IA.

Utiliser un cloud privé ou une instance dédiée

Si vous n’avez pas les ressources en interne pour gérer l’IA, vous pouvez chercher un compromis via un cloud privé ou une instance dédiée chez un fournisseur. Par exemple :

  • Clouds de Microsoft, Google et AWS : Microsoft, Google et Amazon proposent d’héberger les modèles d’IA sur leurs serveurs. Microsoft par exemple peut héberger les modèles d’OpenAI (GPT-4o, etc.) dans votre instance Azure Cloud. D’autres cloud providers offrent des services équivalents (Amazon avec AWS et Bedrock, Google avec Vertex AI, etc.) Vous pouvez choisir la région (y compris Europe), vos données restent isolées dans votre instance et ne sont pas utilisées pour entraîner OpenAI ou autre. Cette option est payante à l’utilisation, mais arrive clé en main, et vous bénéficiez de la puissance des derniers modèles sans envoyer vos données dans l’environnement public de ChatGPT.

  • Hébergeurs et startups européens : On voit émerger en Europe des solutions cloud promettant la souveraineté. Vous pouvez utiliser un modèle open-source sans avoir à gérer l’infrastructure, tout en ayant un contrat avec un prestataire local soumis au RGPD, et non au Cloud Act. Il faut évaluer la fiabilité et la pérennité de ces acteurs, mais c’est une piste employée par un nombre croissant d’ETI et grandes entreprises.

  • Instances dédiées chez OpenAI/Anthropic : Certains grands clients peuvent négocier avec OpenAI d’avoir une instance dédiée du modèle juste pour eux, avec éventuellement un entraînement supplémentaire sur leurs données et la garantie que rien ne sort. Dans ce cas, le budget est plus conséquent.

Avantages : On retrouve beaucoup des bénéfices du on-premise (meilleure confidentialité, choix de la localisation, pas de mélange avec d’autres clients), sans en avoir les tracas techniques (c’est géré par un prestataire). On peut souvent scaler facilement (ajouter plus de capacité au besoin). Et on conserve accès aux modèles de pointe (GPT-4o etc.) si on passe par ce genre de service géré, au lieu de se limiter à de l’open-source.

Inconvénients : Le coût financier peut être élevé car vous payez un service premium. Il faut aussi faire confiance au prestataire choisi – lisez bien les contrats, assurez-vous qu’ils offrent des garanties (chiffrement, audit possible, certifications). Et, même en cloud privé, si le prestataire est américain, le Cloud Act s’applique toujours : avoir vos données sur Azure en Europe réduit beaucoup les risques mais ne les supprime pas en théorie.

Cas d’usage : Une PME qui veut le nec plus ultra de GPT-4o sans risquer de fuite pourrait opter pour Azure OpenAI – ses développeurs pourraient alors intégrer GPT-4 o dans leurs applications internes en appelant l’API Azure, en sachant que les données ne sortent pas de son cloud et ne sont pas vues par OpenAI. C’est idéal pour des cas comme assistance juridique (analyse de documents légaux internes), support client (traiter des emails contenant des infos client), etc., où on a besoin de la puissance du modèle mais on ne peut pas se permettre de le faire sur l’instance publique de ChatGPT.

Arbitrer entre sécurité, coût et innovation

Chaque entreprise a un curseur à placer entre : profiter au maximum des avancées de l’IA (innovation, performance), et préserver au maximum la confidentialité (sécurité, conformité). Souvent, atteindre 100% sur les deux axes est difficile – il faut trouver un compromis raisonnable. Voici quelques conseils pour arbitrer :

  • Évaluer la sensibilité de vos cas d’usage : Classez les usages envisagés de l’IA en plusieurs catégories (par ex : données publiques, données internes non personnelles, données personnelles non sensibles, données hautement sensibles). Pour chaque catégorie, fixez une politique d’outil. Ex : “Pour les données publiques ou non sensibles, on autorise ChatGPT Plus.” “Pour les données personnelles, on exige l’utilisation de l’API OpenAI avec contrat DPA.” “Pour les données ultra-sensibles, on n’autorise que des modèles on-prem validés par la DSI.” Ainsi, vous n’empêchez pas l’innovation sur les tâches peu critiques, tout en protégeant les courriers confidentiels par d’autres moyens.

  • Commencer petit sur les solutions sécurisées : Si le on-prem ou le cloud dédié vous fait envie mais que vous hésitez à cause du coût/incertitude, démarrez par un projet pilote. Par exemple, prenez un modèle open-source de taille moyenne (13B de paramètres) et faites-le tester par une équipe sur des données fictives. Ou souscrivez un mois à un service managé pour voir comment ça s’intègre. Mesurez le résultat : est-ce suffisamment efficace ? quelle est la charge ? Cela vous donnera des billes pour décider d’un investissement plus grand ou pour argumenter auprès de la direction.

  • Profiter du meilleur des deux mondes (hybride) : Rien ne vous empêche d’adopter une approche mixte. Par exemple : utiliser ChatGPT public pour toutes les tâches génériques (brainstorming, génération d’idées créatives, code open-source, veille d’info), et réserver une solution locale pour les tâches sur données privées (analyse de données internes, génération de documents confidentiels). Même au sein d’un flux de travail, on peut combiner : d’abord utiliser une IA publique pour une partie non-sensible du travail, puis basculer sur l’IA privée pour le reste. Cela demande de bien compartimenter les tâches, mais c’est faisable. Par exemple, en préparation d’un rapport, on peut demander à ChatGPT “donne-moi un plan type de rapport sur [sujet général]”, puis une fois qu’on a le squelette, on le remplit avec nos données réelles en utilisant une IA locale pour vérifier la cohérence ou améliorer la rédaction sans exposer les données. L’hybride permet de maximiser la productivité tout en minimisant l’exposition.

  • Considérer les coûts directs vs indirects : Utiliser uniquement des outils gratuits paraît économique, mais si cela vous conduit à une fuite de données ou à une amende RGPD, le coût indirect sera bien supérieur ! À l’inverse, investir massivement dans une solution ultra-sécurisée a un coût d’opportunité : pendant que vous la mettez en place, vos concurrents utilisent peut-être déjà l’IA grand public et avancent plus vite. Il faut trouver le bon équilibre. Parfois, payer un abonnement ou un contrat enterprise vaut largement la tranquillité d’esprit procurée. De même, former le personnel aux bonnes pratiques peut éviter des incidents coûteux – c’est un investissement modeste pour un gros bénéfice potentiel.

  • Rester agile et à l’écoute du marché : L’écosystème évolue à une vitesse folle. De nouveaux modèles plus performants et plus petits sortent régulièrement ; les offres commerciales se diversifient. Gardez une veille active (blogs tech, retours d’autres entreprises). Peut-être que l’outil idéal pour vous n’existait pas il y a 6 mois, mais existe aujourd’hui. Par exemple, fin 2023 peu de solutions permettaient d’héberger un modèle géant chez soi sans être expert ; en 2024-2025 apparaissent des plateformes qui vous simplifient ça via des interfaces web. Ne restez pas figés sur une solution unique. N’hésitez pas à adapter votre stratégie si une innovation le permet. Le maître mot : pragmatisme.

En conclusion de cette partie, sachez qu’il est possible d’allier sécurité et innovation, avec une bonne planification. Beaucoup d’entreprises adoptent une approche progressive : elles commencent par autoriser des usages simples de l’IA (sous contrôle), puis à mesure qu’elles comprennent mieux les risques, elles investissent dans des solutions plus robustes pour étendre l’usage de l’IA à l’échelle. Cela semble être la voie la plus raisonnable pour la plupart : explorer, maîtriser, puis déployer en confiance.


8. Synthèse finale : adopter l’IA en toute confiance

Résumé : Avec les bons outils, réglages et pratiques, il est tout à fait possible d’utiliser l’IA de manière productive et conforme, sans compromis sur la sécurité des données.

L’IA générative est un formidable outil pour les professionnels, à condition de rester maître de ses données. Ce guide a mis en lumière les points essentiels :

  • Compréhension du fonctionnement : On sait maintenant que nos prompts ne disparaissent pas dans un trou noir magique, mais sont stockés, analysés, parfois réutilisés. En avoir conscience est le premier pas pour agir en utilisateur averti.

  • Choix éclairé des outils : Nous avons comparé ChatGPT, Claude, Gemini, Mistral… Chaque solution a ses avantages et ses limites en matière de confidentialité. Le tableau comparatif et le classement vous aident à identifier quels outils privilégier selon la sensibilité de vos cas d’usage. En un mot : plus c’est open-source/privé, plus c’est sûr ; plus c’est grand public/cloud US, plus il faut être prudent.

  • Cadre légal : Le RGPD impose de fortes responsabilités – n’oubliez pas que la protection des données personnelles s’applique aussi à l’IA. Le Cloud Act nous rappelle que la localisation et la juridiction importent : utiliser une IA US n’est pas neutre. L’AI Act à l’horizon va encore affiner les règles du jeu, notamment pour les usages à risque. En somme, la conformité n’est pas optionnelle : intégrez l’IA dans votre gouvernance comme n’importe quel traitement de données.

  • Bonnes pratiques au quotidien : Nous avons détaillé comment anonymiser, quelles questions se poser avant d’envoyer un prompt, comment régler les outils pour plus de confidentialité, et listé les erreurs à ne pas commettre. En appliquant ces principes (checklist, etc.), vous réduisez fortement les risques de fuite ou de violation. C’est souvent gratuit et facile à mettre en place (ex: décocher une case, réfléchir 10 secondes de plus avant de parler à l’IA).

  • Solutions pour aller plus loin : Pour ceux qui veulent intégrer l’IA de manière plus profonde tout en gardant les données au coffre, des options existent : déployer un modèle en interne, passer par un cloud privé, etc. Cela nécessite un investissement, mais c’est le prix de la tranquillité pour certaines organisations. Et il n’est pas nécessaire de tout basculer d’un coup – on peut adopter une approche hybride, progressive, selon les priorités.

En fin de compte, quelle stratégie adopter selon vos besoins ? Si vous êtes une petite structure sans données particulièrement sensibles, vous pouvez tout à fait utiliser des outils comme ChatGPT ou Gemini pour gagner du temps, en suivant nos bonnes pratiques (pas de secrets divulgués, etc.). Surveillez juste l’évolution des offres – peut-être qu’une offre Pro avec plus de garanties vous conviendra bientôt. Si vous gérez des données clients, personnelles ou confidentielles, soyez plus strict : évitez les services gratuits pour ces cas, tournez-vous vers des solutions professionnelles (API avec contrat, outils européens, etc.), quitte à investir un peu. Enfin, si vous êtes dans un secteur régulé ou à secrets (juridique, médical, défense, R&D…), il faut envisager dès le départ des solutions souveraines (open-source ou cloud dédié), car le jeu n’en vaut pas la chandelle sur du grand public.

On voit également émerger des rôles en entreprise comme “AI Privacy Officer” ou des référents IA responsables, un peu à l’image des DPO pour les données, chargés d’auditer les usages de l’IA et de conseiller les équipes. N’hésitez pas à identifier en interne qui peut porter ce sujet – un profil mêlant appétence tech et connaissance juridique serait idéal.

Pour conclure sur une note positive : oui, il est possible d’utiliser l’IA en étant en sécurité ! Cela demande juste un peu de discipline et de bons outils. L’innovation et la protection des données ne sont pas antinomiques, au contraire : une approche responsable de l’IA renforcera la confiance de vos clients, de vos partenaires et de vos employés dans vos projets. Ceux qui maîtriseront à la fois la puissance de l’IA et la gouvernance des données auront un avantage concurrentiel décisif dans les années à venir.

En suivant ce guide, vous avez désormais les clés pour exploiter le potentiel des IA génératives tout en gardant le contrôle. À vous de jouer, de tester, d’apprendre – et de construire grâce à l’IA, en sachant où vous mettez vos données. Bonne exploration, en toute sécurité !

Auteur :

Biographie

Mathilde Brousse, forte de 8 ans d'expérience dans les domaines de la data, de l'IA de la gestion de projets stratégiques, est diplômée d’un double Master of Science en Data Sciences & Business Analytics de CentraleSupélec et en Management de l’ESSEC Business School. Actuellement Head of Analytics & Data Science chez Harvest Groupe, elle pilote des projets innovants mêlant IA, data science et business intelligence. Elle intervient chez Side School en tant que formatrice et experte IA et data.

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